Aller au contenu principal

Le blog du Muséum

Les coulisses du Muséum

Interview d'Alice Michonnet, responsable du développement des publics

Le 22 décembre 2023 par Louise Bourget

Avec plus de 10 ans d'expérience au sein du Muséum, Alice Michonnet, responsable du développement des publics, a été témoin de l'évolution constante de l'établissement. Elle a joué un rôle central dans de nombreux événements, projets et animations qui ont marqué la vie du musée mais surtout la votre !

Nous avons eu le privilège de bénéficier d'une entrevue exclusive avec elle, où elle nous partage son parcours, les projets passés et les transformations observées au fil des années... 

L'interview complète

L.B. : Bonjour Alice, en tant que responsable du développement des publics au Muséum du Havre, pourrais-tu nous expliquer ce qui t’a motivée à choisir cette voie ?

A.M. : Très tôt dans mon parcours d’études, j’ai voulu travailler dans la conservation du patrimoine. Les musées m’intéressent depuis toute petite (j’ai de précieux souvenirs de visites immersives de musées en Grande Bretagne avec mes parents !), mais en réalité, si je me suis orientée vers le secteur scientifique, c’est presque par hasard.

Mon premier emploi était sur le site patrimonial d’une abbaye dans le pays de Caux, à Gruchet-le-Valasse. J’y ai travaillé dans la programmation culturelle en lien avec le développement durable. C’est là que j’ai pu toucher la culture scientifique, alors que, initialement, je m’orientais vers les beaux-arts.

Je suis arrivée au Muséum en 2010 et j’ai tout de suite aimé cet univers des musées des sciences, qui ont une approche très orientée vers le sensible, l’expérimentation, la pédagogie. A mon sens, la culture scientifique permet de travailler des approches très libres et créatives de la muséographie, professionnellement ça m’intéresse énormément.

L.B. : C’est quoi la principale mission d’un chargé de développement des publics ?

A.M. : Faire en sorte que les gens se sentent attirés et surtout légitimes à franchir les portes du musée. Il y a un socle qui est le nôtre : les objets de collection que l’on conserve. C’est ce qu’on doit transmettre. Maintenant, il faut réfléchir, imaginer une passerelle pour pouvoir le transférer de la manière la plus claire possible.

L.B. : À quel public le Muséum s’adresse-t-il ?

A.M. : Au Muséum du Havre, j’ai remarqué que les enfants viennent de manière très assidue, dès l’âge de 2-3 ans jusqu’à la préadolescence. Ensuite, ils font souvent une pause avant de revenir un peu plus tard. On rencontre beaucoup d’adultes qui ont des souvenirs marquants de leurs visites au Muséum lorsqu’ils étaient plus jeunes.

L.B. : Est-il crucial d’attirer les jeunes dans les musées selon toi ?

A.M. : En tout cas, il est indéniable qu’il se joue quelque chose autour de l’enfance. Pour se sentir à l’aise en tant qu’adulte dans un musée, il est souvent nécessaire que la graine ait été plantée pendant l’enfance.  

L.B. : Est-ce la seule condition pour se sentir à l’aise au musée ? Avoir été initié jeune à cette pratique ? Y a-t-il d’autres barrières ?

A.M. : Avant tout, je tiens à souligner quelque chose que l’on oublie parfois d’admettre : il est tout à fait possible que certaines personnes n’aiment pas fréquenter les musées. Préférer le cinéma, le sport, ou investir son temps ailleurs n’est pas nécessairement négatif.

Cependant, il est vrai qu’il y a des personnes qui n’osent pas venir par peur de ne pas connaître suffisamment, ne pas savoir expliquer correctement à leur enfant, etc.. Cela constitue une barrière sociale.

L.B. : Comment pallie-t-on à cela ?

A.M. : C’est une question difficile car s’il y avait des recettes vraiment bien identifiées, on les appliquerait. Mais ce n’est pas le cas. Je pense que travailler avec les écoles c’est une bonne chose. Les enfants peuvent être de bons ambassadeurs et transmettre à leur parents et famille l’envie de venir. Ici, au Muséum du Havre, on mise beaucoup sur la médiation humaine. On peut venir pour faire un atelier, une activité…

L.B. : Est-il aisé de créer un lien avec les visiteurs ?

A.M. : Oui, nos collègues sont assez bien identifiés. Il n’est pas rare que je rencontre des personnes qui me disent : « Oh, je connais bien Guillaume ! » ou « J’ai participé à un atelier avec Mathys dans mon école ». Il y a vraiment un aspect humain, un lien social qui se crée. En outre, je crois beaucoup en la programmation culturelle comme un autre levier. Elle nous permet de cibler certains publics de manière quasi personnalisée. Pour les jeunes adultes, par exemple, les nocturnes, les soirées Cluedo ou les concerts connaissent un réel succès.

L.B. : Ou bien la création d’ateliers tactiles pour les non et malvoyants ? Je pense notamment à l’atelier Ghostnets.

A.M. : Oui, absolument ! Le musée travaille depuis un certain temps sur l’inclusion des personnes en situation de handicap. Avec les Ghostnets, ces filets abandonnés transformés en œuvres d’art, nous offrons une opportunité aux jeunes atteints de cécité d’explorer un atelier par le toucher.

Pour répondre aux besoins de ces publics spécifiques, nous avons déjà proposé plusieurs fois des visites tactiles. Sur le thème de la surdité, nous avons également organisé des visites en langue des signes. Il est essentiel pour le Muséum de toucher le plus grand nombre de personnes, partout. Je pense en partie au public carcéral. Nous ne communiquons pas dessus mais cela fait cependant partie intégrante de nos missions régulières.

L.B. : Entendu. Et en ce qui concerne la suite, pourrais-tu nous donner un aperçu des projets futurs du Muséum ?

A.M. : Nous travaillons sur un programme d’expositions pour la période 2025 – 2030. Les projets sont vraiment très enthousiasmants mais je ne peux pas encore tout dévoiler !

En 2026, Anima Ex Musica proposera un parcours à la croisée des arts et des sciences. L’idée est de représenter d’énormes insectes fabriqués à partir d’instruments de musique. C’est à la fois scientifiquement précis et très expressif. Cela nous permettra d’aborder des thèmes tels que les sciences, l’entomologie – dont les superbes dessins de Lesueur que nous conservons - et la musique.

Bien entendu, nous continuerons à proposer des formats qui ont déjà rencontré du succès. Des conférences dessinées, des visites guidées atypiques et des rencontres. Le musée doit servir de lien entre les scientifiques et les citoyens. J’ai cette conviction qu’il est essentiel de rendre compte des avancées, de montrer que la science est en perpétuel questionnement, qu’elle évolue et qu’il n’y a jamais de certitudes figées.

En fin de compte, créer le dialogue et renforcer les liens entre les individus en tirant parti de notre patrimoine, si nous pouvons au moins accomplir cela, je considère que c’est une réussite.

L.B. : Et pendant la fermeture, quel est le programme ?

A.M. : La fermeture c’est un Iceberg... La partie émergée représente les ateliers hors les murs, dans les écoles, les Fabriques. Beaucoup de programmation culturelle, des projections, des conférences...

Mais il y a aussi la partie immergée, celle que l’on ne voit pas toujours. C’est la préparation du parcours permanent, la réalisation des graphismes, les chantiers de conservation, l’identifications des biens qui seront exposés. C’est tout le travail en amont pour préparer l’intégralité du parcours d’exposition et l’équipe entière y travaille d’arrache-pied. Le rythme est très intense.

Avec le pôle développement des publics, notre mission est de maintenir le lien. J’aime comparer notre méthode de travail à l’utilisation d’une longue vue. C’est comme une lunette qui nous permet de voir les coulisses, la partie immergée de l’iceberg, et de restituer ces aspects à nos publics.

L.B. : Et il se passe beaucoup de choses en coulisses…

A.M. : Tout à fait ! On y découvre la vie des collections sous un autre angle avec tous ces métiers étonnants, ces savoir-faire atypiques qui gravitent autour.

L.B. : C’est un véritable fourmillement ! Aurais-tu une anecdote particulière à partager issue de ces rencontres ou d’un autre événement ?

A.M. : Je garde en mémoire un souvenir de la période COVID. Du jour au lendemain, nous étions tous rentrés chez nous. Nous avions alors commencé à publier deux posts par jour, une cadence assez effrénée. Et lorsqu’il a été question de revenir travailler en présentiel au bureau, nous avions décidé de ralentir les publications pour nous consacrer à la préparation de la nouvelle saison. Je me rappelle qu’une dame nous avait alors envoyé un message. Il disait « Je m’inquiète. Vous n’avez pas posté aujourd’hui. Est-ce que vous allez bien ? ». Vraiment, elle voulait savoir si nous étions en bonne santé. C’était très touchant.

L.B. : Dernière question Alice. Quel est le projet qui t’as le plus marqué au Muséum ?

A.M. : J’ai une affection particulière pour Météorites. C’était la dernière avant la fermeture et elle était chouette parce qu’on présentait un peu de nos collections tout en ayant des supers prêts. C’est une scénographie faite maison assortie d’un gros travail d’équipe. Cela marque l’arrivée de Jérôme qui a réalisé ses constructions. Cléa avait repris toute l’identité graphique pour la redécliner sur tout le parcours. J’ai vraiment aimé ce projet-là, très collectif.

L’autre évènement marquant était la fête de fermeture. Ce fut un moment chargé en émotion, festif. On a tous été surpris par le soutien du public. Je crois que c’était vraiment un bon moyen de clôturer et de se dire au revoir. Maintenant, j’ai hâte d’ouvrir le dossier de la fête de réouverture

 

Interview menée par Louise Bourget - Photo : Cléa Hameury / Louise Bourget. FÉVRIER 2024

Le portrait d'Alice Michonnet

En savoir +

Interview de Romain Greif, architecte des travaux du Muséum
Interview de Anne Liénard, directrice du Muséum d'histoire naturelle du Havre
Interview de Perry Sanchez, élève-restaurateur du patrimoine
Interview de Baptiste Beau, chargé des collections sciences de la vie

Commentaires

Ajouter un commentaire

Saisir les caractères affichés dans l'image.
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Vous accueille du mardi au dimanche
10h - 12h / 14h - 18h
Fermé le jeudi matin et le lundi

Place du vieux Marché, 76600 Le Havre

Téléphone : 02 35 41 37 28
Courriel : museum@lehavre.fr

Gardez
le contact

inscrivez-vous à a newsletter