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Le blog du Muséum

Les coulisses du Muséum

Interview de Perry Sanchez, élève-restaurateur du patrimoine

Le 11 août 2023 par Louise Bourget

Le Muséum est fermé aux publics pour se refaire une beauté... Mais, pendant ce temps, en coulisses, toute l'équipe travaille d'arrache-pied sur le nouveau parcours de visite ! Perry Sanchez, en formation à l'INP (Institut National du Patrimoine) nous explique son intervention au sein des collections du Muséum.. 

 

" [...] J’apprécie travailler sur des œuvres composites et si je prends l’exemple des taxidermies, on est en plein dedans ! La peau, la kératine, les socles en bois (cellulose, lignine) ou bien le chanvre...  On fait vraiment face à une pluralité de matériaux ! "

L'interview complète

L.B. : Bonjour Perry, peux-tu te présenter ?

P.S. : Bonjour ! Je suis en formation à l’Institut National du Patrimoine pour devenir conservateur-restaurateur. J’interviens actuellement au Muséum du Havre, dans le cadre d’un stage, pour préparer le futur parcours scénographique.

J’ai réalisé une première année de classe préparatoire littéraire. Puis, j’ai étudié deux ans en école de restauration privée. J’aime beaucoup les parcours très généralistes, là il y a de l’histoire de l’art, des sciences. A ce terme, j’ai présenté le concours pour rentrer à l’Institut National du Patrimoine (INP), où je suis actuellement en troisième année.

 

L.B. : Félicitations. Comment se déroule ta formation à l’INP ?

P.S. : Les trois premières années sont très riches. On étudie la science des matériaux. Notamment, la compréhension des différents fonctionnements des protéines, des matériaux cellulosiques… Il y a également une forte dimension pratique puisque, deux jours par semaine, nous sommes en atelier.

 

L.B. : Es-tu plutôt intéressé par une spécialité particulière ?

P.S. : J'ai choisir de me spécialiser en arts graphiques dès la première années. Dans ce corps de restauration, on œuvre sur plusieurs supports ! Papiers, parchemins, papyrus mais également des objets en volume type paravent ou bien luminaire... Ce sont les objets composites qui m’intéressent le plus ! J'essaie d'ailleurs d'étendre ma spécialité aux objets de collections d'histoire naturelle.

 

L.B. : On ne retrouve ce type d'objets qu'en arts graphiques ?

P.S. : Si je prends l’exemple des taxidermies, on est également en plein dedans ! La peau, la kératine, les socles en bois (cellulose, linine) ainsi que les matériaux organiques comme le chanvre... C'est vraiment une pluralité de matériaux ! En restauration, il y a toujours un interlien entre les différents domaines. À tout moment, nous pouvons aller toquer à la porte d’un autre spécialiste. Cela est nécessaire et encouragé !
 

L.B. : Finalement, comment décrirais-tu le métier de restaurateur ?

P.S. : Déjà, il faut avoir à l’esprit que la restauration, en tant que discipline scientifique et académique, est relativement récente. Les premières formations en France remontent aux années 70 !  Avant, les restaurateurs étaient exclusivement des métiers d’art, de l’artisanat. C’était des experts.  Aujourd’hui, il existe des diplômes universitaires formant au métier de conservateur-restaurateur. Et, deux types de conservation existent : la conservation préventive et la conservation curative.  La seconde implique une intervention directe sur l’objet. Un principe très important en conservation, c’est de toujours faire en sorte d'intervenir au minimum sur l'objet restauré.

 

L.B. : Peux-tu nous en dire plus ?

P.S. : Nous n’avons pas la science infuse, il est nécessaire de rester humble. Peut-être que les techniques évolueront dans le temps et que dans le futur, l’on considérera que ce n’était pas la manière optimale pour traiter un objet, une œuvre. Et bien, il faut que notre intervention, si cela arrive, puisse être défaite rétroactivement.

 

L.B. : Entendu. Concrètement, comment se déroule ton intervention au Muséum ?  

P.S. : Sur les quelques 300 spécimens du futur parcours permanent, je réalise avant tout un travail de documentation. J’étudie les objets en identifiant leur processus de fabrication, leur historique (date de collecte), leur taxidermie et les restaurations précédentes. J’ai besoin de comprendre comment ces spécimens ont vieilli, quels ont été les traitements qu’ils ont subis et quelles réactions chimiques ont pu se produire sur les différents matériaux qui les composent. Ensuite, je réalise un diagnostic. Puis, selon le degré d’altération de chaque spécimen, on oriente les traitements par ordre de priorité.

 

L.B. : Sont-ils en bon état ?

P.S. : Cela dépend de leur date, je dirais. Certaines altérations sont très visibles et marquantes, notamment sur les oiseaux. Il y a des pertes de pigments dans leurs plumes. Beaucoup ont été exposés à une période où il n’y avait pas forcément de règles quant à la conservation préventive.  Il me semble que cela se situe dans les années 1930 pour certaines espèces.

 

L.B. : À quoi sont dues les altérations ? 

P.S. : Pour les taxidermies, le principal risque est bien entendu la présence de nuisibles tels que les insectes et les micro-organismes. […] Pour eux, une salle remplie de taxidermies n’est rien d’autre qu’une grande réserve de nourriture…

 

L.B. : Les altérations restent donc essentiellement dues à une conservation inadaptée des spécimens ?

P.S. : Pas toujours ! Parfois, les animaux ont pu être blessé de leur vivant.  Mais cela n’est pas gênant si on peut toujours les identifier et les étudier.  Il faut que les caractéristiques de distinction de l’animal ne soient pas affectées. Par exemple, un Paradisier (espèce d’oiseaux) dont les plumes ont perdu leur couleur n’est plus identifiable. Cela pose un véritable problème et c’est malheureusement chose courante lorsque les taxidermies ont fait l’objet de traitements chimiques inadaptés ou d'une surexposition à la lumière.

 

Paradisier de Wallace, N.S. : Semioptera walacii

 

L.B. : N’est-ce pas trop lugubre de travailler entouré d’animaux naturalisés  ?

P.S. : (rires) Pas du tout, c’est surtout très enrichissant ! J’apprends énormément et puis, je suis de toutes façons transporté dans leur contexte de vie naturelle. Bon, je dois admettre que j’ai parfois eu quelques frayeurs, surtout dans les couloirs moins éclairés. Se retrouver nez à nez avec une taxidermie de rapace, dans une allée très sombre, peut-être surprenant.

 

L.B. : Pour clore cet échange, pourrais-tu nous dire quel est ton animal préféré du futur parcours permanent ?

P.S. : Sans hésitation, la chauve-souris d’Inde !

Elle fait partie des plus grandes chauves-souris sur Terre, sachant que la plus petite fait à peu près la taille de notre ongle de pouce. C’est un animal passionnant, capable de projeter sa voix, d’interpréter son écho et de se construire une carte 3D pour voler. Beaucoup de gens pensent à tort que les chauves-souris ne savent pas ce qu’elles font mais c’est tout le contraire. Elles accomplissent des prouesses et cela en tout maîtrise. Elles savent se déplacer dans l’obscurité, à travers les branches et a une allure très rapide. C’est incroyable ! J’ai hâte de la voir exposée dans le futur parcours permanent.

 

 

Chauve-souris d’Inde, N.S. : Pteropus giganteus

 

Le portrait de Perry Sanchez

 

Interview menée par Louise Bourget - Photo : Cléa Hameury / Louise Bourget. JUILLET 2023

 

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