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Le blog du Muséum

Les coulisses du Muséum

Ultime restauration de notre Loricatosaurus : entretien avec les expertes

Le 31 juillet 2023 par Louise Bourget

Description

 

Découvert en 1955 dans le Calvados par le chercheur Roger Bru, le dinosaure Loricatosaurus priscus fait l’objet d’une attention particulière au Muséum du Havre, où il sera présenté dans la future exposition permanente. Jusqu'à lors précieusement conservé dans les réserves, les ossements fossiles du stégosaure ont décroché leur droit de sortie pour faire peau neuve ! Ce mois-ci est une grande étape pour l'animal dont tous les os viennent d'être restaurés ! Dans le même temps, un crocodile marin s'est aussi joint à l'aventure... Aujourd'hui, nous vous partageons un échange avec les restauratrices Emilie Malassenet et Laura Gallicier. Isabelle Maquaire (à droite), a également fourni un travail considérable sur ce projet.

 

Découvrez dès à présent leur témoignage et admirez les photos du travail accompli !

Interview de Laura Gallicier et d'Emilie Malassenet

 

L.B. : Bonjour, pouvez-vous vous présenter s’il vous plaît ?

E.Malassenet. : Bonjour, je suis Emilie Malassenet, restauratrice d’œuvres d’art. J’ai suivi ma formation à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne.

L.Galicier. : Et moi, c’est Laura Galicier ! Je suis conservatrice-restauratrice spécialisée en objets archéologiques. Je réalise plutôt des travaux sur le métal, le verre, la céramique. Avec Emilie, nous travaillons régulièrement en binôme. Ensemble, nous touchons à des projets très variés !

 

L.B. : Comme des restaurations d’os fossilisés ?

E. Malassenet. : (rires) exactement ! Nous sommes très pluridisciplinaires ! Pour ce projet de restauration commandé par le Muséum du Havre, nous avons également travaillé avec Isabelle Maquaire qui est restauratrice-conservatrice de sculptures.

 

(retour des côtes restaurées)

 

L.B. : Grâce à votre collaboration, vous avez achevé un projet d’envergure : la restauration de certains fragments du Loricatosaurus, notamment ses côtes, ainsi qu’un spécimen de crocodile marin ! Pouvez-vous nous expliquer plus en détail les actions réalisées ?

L.Gallicier. : Bien sûr ! Déjà, il faut savoir que le Loricatosaurus et son camarade crocodile marin n’ont pas subi le même traitement. Nous avons dû adapter notre approche et nos outils aux différents types de sédiment (*) présent sur les fossiles.

E.Malassenet. : Absolument ! Dans le cas du Loricatosaurus, de nombreux fragments étaient entourés de pyrite (**). Cette substance rend l’intervention beaucoup plus complexe car elle trompe notre œil. […] La matière fait gonfler l’objet et altère sa surface.

 

L.B. : Comment en venir à bout ?

E.Malassenet. : Initialement, nous avions envisagé un micro-percuteur, mais pour éviter les pertes de matière, nous avons finalement opté pour la Dremel (outil à main). Cela nous a permis de dégager la matière de manière plus précise, même si le processus était plus fastidieux. […] Malheureusement sur certains fragments, il n’a pas été possible d’enlever complètement la pyrite.

 

L.B. : Cela a-t-il ralenti le chantier ?

L.Gallicier. : Le chantier a duré huit mois, ce qui est effectivement long dans le domaine de la restauration mais cela était plus dû au nombre de fragments à restaurer (une cinquantaine rien que pour le Loricatosaurus) qu’à la présence de pyrite. Cependant, nous sommes très satisfaites du résultat. Isabelle a réalisé un travail d’orfèvre pour recoller entièrement les côtes du Loricatosaurus.

 

L.B. : Comment recolle-t-on des côtes fossilisées de Loricatosaurus ?

A.Gallicier. : A l’aide d’un matériau appelé Paraloid B72. C’est une résine acrylique que l'on dissout dans un liquide appelé acétone. Pour combler les petits trous, nous avons mélangé le Paraloid B72 avec de minuscules billes de verre. Cela forme une pâte, qui une fois sèche, peut être facilement modelée avec un scalpel et poncée avec du papier de verre. Enfin, ces réparations ont été teintées avec de la peinture acrylique pour les rendre moins visibles et plus agréables à l’œil. Cependant si vous examinez les os de près, vous pourrez toujours les remarquer.

 

(à gauche : côte après restauration, à droite : avant restauration)

 

L.B. : Un chantier aussi long exigeait beaucoup de patience et de concentration n’est-ce pas ?

E.Malassenet. : Absolument, et beaucoup de précaution ! Car la pyrite, lorsqu’elle est travaillée, produit de petites particules qui, si on les ingère, se révèlent être très toxiques. Nous devons bien nous protéger pour réaliser notre intervention.

 

L.B. : Concernant le Loricatosaurus, les côtes et fragments que vous avez restaurés seront associés à certains ossements issus d’une numérisation 3D. Cela a-t-il influencé votre manière de faire ? Avez-vous dû ajuster votre travail pour faciliter leur intégration ?

E.Malassenet. : Nous étions au courant de ce projet impressionnant avant de commencer notre travail de restauration. Nous n’avons pas pris de mesures particulières à cet égard. La technologie sera responsable de l’ajustement de la numérisation 3D aux vrais ossements, plutôt que l’inverse.

 

L.B. : Entendu ! De manière générale, était-ce la première fois que vous restauriez des ossements ? Y a-t-il un besoin d’adaptation particulier ?  

E.Malassenet et L.Galicier : A vrai dire, le travail que nous avons accompli ici n’est pas si différent de nos autres projets de restauration. La manière d’appréhender l’os est assez similaire à celle de la céramique ou de la pierre. Dans notre métier, nous nous adaptons et apprenons au fil de chaque projet. C’est aussi ce qui nous plaît !

 

L.B. : D’après Javier Parràga, paléontologue du Muséum du Havre, ces côtes que vous avez restaurées étaient les derniers éléments à devoir l’être ! Bientôt ce loricatosaurus, qui est l’un des squelettes les plus complets d’Europe, sera exposé au Muséum du Havre. Ressentez-vous un sentiment particulier à l’idée d’avoir participé à ce grand projet ?

L.Galicier et E.Malassenet. : Absolument, c’est une expérience impressionnante ! Lorsque nous travaillons sur des pièces aussi anciennes, cela remet tout en perspective et… ça donne le vertige. Nous pouvons d’ores et déjà dire que l’on a hâte de découvrir ce Loricatosaurus sur pattes !

 

 

* : Dépôt laissé par l’eau ou le vent. Les fossiles s’en retrouvent entourés au fil du temps ;

** : En minéralogie, la pyrite est un sulfure naturel de fer à l’éclat métallique très vif. Elle se présente sous forme de veines ou de masses dans de nombreuses roches.

 

Interview menée par Louise Bourget - Photo : Louise Bourget / Javier Pàrraga. JUILLET 2023 

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