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Le blog du Muséum

Les coulisses du Muséum

Le Muséum prête ses œuvres - Les objets

Le 19 juillet 2023 par Louise Bourget

A l’occasion de l’exposition Esclavage, Mémoires Normandes, des objets issus des collections Afrique du Muséum ainsi qu'un cahier de Charles-Alexandre Lesueur ont été prêtés à l'Hôtel Dubocage de Bléville. Revenons sur cet évènement !

Une meilleure connaissances des cultures africaines

Les objets prêtés sont principalement exposés dans la salle Afrique, en début de parcours.

Celle-ci un intérêt particulier puisqu'elle permet d'entrevoir les cultures des individus déportés. Ici, le terme "cultures" englobe l'ensemble des organisations politiques, sociales, économiques et commerciales ainsi que leurs représentations et croyances propres.

L'idée est de mettre en avant l'individu, dans sa culture, plutôt que dans sa condition d'esclave. 

Les objets choisis ne sont pas nécessairement contemporains de la Traite coloniale. Principalement issus des 19e et 20e siècles, il offrent ainsi un aperçu plus large des influences et des évolutions culturelles.

Découvrons sans plus tarder la salle Afrique ! Deux vitrines y exposent les objets prêtés.

L’une d’elle est consacrée à l’Afrique de l’Ouest, l’autre à l’Afrique centrale.

Cartographie des principaux sites de traite des Normands sur les côtes d’Afrique centrale (gauche) et les côtes d’Afrique de l’Ouest (droite), J.M. Argentin

 

La vitrine Afrique centrale expose de véritables richesses historiques. Attardons-nous sur deux statuettes emblématiques.

Deux figures, une masculine et une fémine, sont représentées. Inspirées du style artistique des Vili ou des Yombe, elles permettent de faire le lien avec les peuples ayant participé au commerce d'esclaves. En effet, ce sont des communautés qui entretenaient des relations commerciales avec les Européens durant la Traite. 

La statuette féminine retient notre attention. C’est ce que l’on appelle une « maternité » (nommée « Pfembas »). Chez les Kongo, communauté voisine, la production de ces Pfembas a atteint son apogée lors de la Traite, lorsque s'est profilée une possible extinction de leur peuple.

Poursuivons avec le Masque Fang (photos ci-dessous).

 

Il appartenait à la société secrète du Ngil (aire géographique du Gabon – lieu de traite prisé des Normands). Cet objet est intéressant car il témoigne d’une société organisée. En effet, il s’agit d’un masque « policier ». Porté par le chef Ngil, l'objet - complété par tout un costume - lui permettait de réprimander les comportements criminels et les sorciers. Cette opération se déroulait aux aurores et crépuscules. Le port de ce masque conférait un grand pouvoir puisqu'en découlait le droit de vie ou de mort sur les personnes "arrêtées".

Il n’est pas dénué d’intérêt de faire un parallèle entre l’organisation de cette société et le bouillonnement intellectuel du 18e siècle en France. C’est l’avènement des grandes théories sur la liberté, la condition humaine. Jean-Jacques Rousseau théorise à l’époque le contrat social : un pacte entre les membres d’une société au service de l’intérêt général. Un des principes fondateurs de cette théorie est la délégation de la force au profit d’une entité : l’Etat. On abandonne la loi du talion pour conférer à une seule institution l’exercice de la violence légitime. Or, la création d’une figure de police au sein de la société des Fang ne témoigne-t-elle pas également d’un renoncement au droit du plus fort ? Ce parallèle semble intéressant à une époque où l’individu « Africain » était considéré comme un sauvage.

Enfin, il nous reste à vous présenter une curieuse statuette. Il s’agit d’une œuvre zoomorphe, dite Nkissi, de style Kongo ou Vili (photos ci-dessous). L’objet était activé par le Nganga – un devin guérisseur – et permettait de transmettre une force vitale à son possesseur. Cette force vitale proviendrait des cavités abdominales et dorsales. A ces emplacements, se trouveraient des « bilongo », charges magiques, représentées par divers liants : poils, dents, graines, métals…

 

Penchons-nous désormais sur la vitrine d’Afrique de l’Ouest !

Une première référence est faite au royaume du Danhomé par le biais de deux objets : une récade et un sabre d’apparat (photos ci-dessous).

Ce royaume ancien, situé dans l’actuel Bénin, pratiquait activement la vente d’esclaves aux européens. Son expansion économique fut d’ailleurs majoritairement liée à ce type de commerces.

Le sabre d'apparat est orné d’un phacochère – emblème d’un ancien roi du Danhomè : Houessou Akaba (1685-1708). Il appartenait au peuple Fon et, c’est durant son règne que sont vendus comme esclaves les « Gédévis » (« fils de Gédé » en traduction littérale). Les Gédévis constituaient l’ancienne population d’Abomey, la capitale du royaume.

Principalement déportés à Saint-Domingue, ils y ont exporté le culte de «Gédé» (l’esprit de la mort dans la culture vaudou). Aujourd’hui complètement perdue au Bénin, la tradition reste fortement respectée en Haïti.

La récade quant-à-elle, constitue l’un des 7 symboles de l’autorité du roi Fon. Elle a certainement eu d’autres fonctions. Les spécialistes pensent à un bâton de commandement délivrant authenticité des messages royaux, un bâton de tambours utilisé lors de cérémonies ou bien une arme utilisée par les bourreaux.

 

Enfin, le masque Agni (photos ci-dessus) est une pièce importante de la vitrine. Potentiellement daté du 18e siècle, ce serait le seul objet contemporain de l'époque de la Traite négrière. Les Agni constituent un peuple toujours présent sur le territoire africain. Ils ont été les premiers à rencontrer les Européens au 17e siècle et sont originaires de la zone géographique des actuels Ghana et Côte d’Ivoire.

C’est un masque funéraire, nommé « Mma ». Autrefois, cette oeuvre était une statuette entière. Concernant la fonction de l’objet ; les Agni honoraient leurs défunts de hauts rangs en réalisant ce type de portraits idéalisés. Après une cérémonie, la statuette accueillait l’esprit du défunt et était exposée dans un cimetière à la périphérie des villes. Cette sculpture a été retrouvée dans les décombres du Muséum suite aux bombardements de 1944.

Pour compléter cette approche, le Muséum a également prêté des genouillères en coquillages cauris (photos ci-dessous) présentées dans l’espace « Traversée » ainsi qu’un cahier de Lesueur illustrant le propos de l’espace « Plantations ».

 

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